Bonjour chez vous!
J'ai visité le parc Eurodisney. Sans vouloir me vanter, c'est assez ludique. J'avais réservé une chambre modeste, dans l'un des multiples hôtels entourant le parc d'attraction, choisissant par la même occasion le plus modeste de ces hôtels à 12 500F la nuit (3200$ can) seulement. Très sympathique, le personnel n’arrête pas de sourire.
Dès l'entrée, à la réception, on est fouillé par une hôtesse souriante qui vérifie si on est pas armé. Comme tous les autres visiteurs, j'ai dû laisser ma carte d'identité, mon livret militaire, mon permis de conduire, ma carte de crédit et mon passeport en caution. On m'a donné un ticket destiné à réserver ma place au resto, pour le breakfast du lendemain. "Pas la peine,ai-je dit, je déjeune dans ma chambre.--Non, m'a-t-on répondu en souriant, vous déjeuner dans votre chambre n'importe où au monde mais pas ici. Vous n'avez qu'à aller au parc Astérix. Ils vous serviront tout ce que vous voudrez dans votre chambre, café, thé, croissant ou sanglier. Mais pas ici."
Puis avec un sourire extrêmement aimable, courtois et amène, l’hôtesse a ajouté "Bonjour chez vous". Pour tuer le temps en attendant le lendemain, je me suis baladé. Tout le monde souriait et se saluaient d'un geste de la main en disant "Bonjour chez vous". Au bout d'un moment j'avais le même large sourire, je saluais tout le monde et je répétais également "Bonjour chez vous".
Ca me disait vaguement quelque chose, mais je n'arrivais pas à me rappeler quoi. J'ai commencé à me sentir un peu angoissé. Je suis entré dans une boutique pour acheter un cadeau à ma jeune et charmante épouse. Compte tenu de mon budget, j'ai pris un morceau d'étoffe carré molletonné servant à tenir les poignées des casseroles brûlantes avec une tête de Mickey desus. Trois cent cinquante balles.(90$ can)
Des tas de personnages de Walt Disney géants déambulaient parmi la foule en se dandinat. Ils avaient de monstrueuses têtes de Mickey, Donald, Pluto et Frankenstein. Beaucoup d'enfants fuyaient en poussant de long hurlement mêlés de sanglots désespérés. A un moment donné, des militaires en tenues de combat, armés de kalachnikov, sont arrivés de tous les côtés pour écarter la foule et laisser un large passage. J'ai cru qu'ils recevaient une célébrité. En fait c'était pour la parade du bossu de Notre-Dame. Un homme a hurlé que son enfant était resté de l'autre côté de la rue, mais il n'a pas pu terminer sa phrase, une rafale l'a fait taire.
Le lendemain, je me suis lancé dans la grande aventure des divertissements et allégresses. Comme c'était dimanche, il y avait un monde fou et une attente de 3/4 d'heure à une heure à chaque attraction. Je suis monté dans le scenic-railway où on poireautait moins et j'ai fait le trajet. En descendant, je suis allé directement derrière un stand pour vomir. La foule devenait de plus en plus dense. Des enfants courraient dans tous les sens, traînant des ballons gonflés à l’hélium et poursuivis par les mamans qui hurlaient, les cheveux dans tous les sens et le visage dégoulinant de sueur en glapissant: "Bonjour chez vous! viens ici tout de suite, petit con!"
D'un seul coup j'en ai eu marre et je me suis en devoir de tâcher de trouver la sortie pour quitter cet endroit démoniaque. En suivant une allée déserte, je me suis retrouvé devant une porte indiquant "Entrée interdite à toute personne étrangère au service". Exactement ce qu'il me fallait.
Je me suis engouffré. Il régnait là-dedans une obscurité de gouffre infernal ainsi que des relents sulfureux et méphistophéliques. Au bout d'un moment, mes yeux se sont habitués. C'était bourré de monde. Des Mickey, des Pluto, des Donaldes et des Dingo mais ils tenaient leurs têtes à la main, fumaient des clopes et buvaient des bieres. Visiblement, c'était pour eux l'heure de la pause. Quand soudain!...Horreur et putréfaction!....
Qu'est ce que je vois?! Toutes les têtes qui émergeaient des costumes étaient les mêmes:c'était tous des clones de Sylvester Stallone! La wWorld Compagny était derrière tout ça! Ils se sont rués sur moi. Après, je ne me rappelle plus de rien? J'ai dû perdre connaissance. Tout ce que je sais c'est que je me suis retrouvé dans le RER qui me ramenait chez moi.
Je serrai incapable de raconter cette journée infernale.
Gotilb
Fluide Glacial N°252, juin 1997
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